"De rockstar à tueur : le cas Cantat" : quand la mini-série documentaire de Netflix décortique les rouages du féminicide de Marie Trintignant

Publié : 8 avril 2025 à 11h25 par Élodie Quesnel

La mini-série documentaire de Netflix "De rockstar à tueur : le cas Cantat"
La mini-série documentaire de Netflix "De rockstar à tueur : le cas Cantat"
Crédit : La mini-série documentaire de Netflix "De rockstar à tueur : le cas Cantat"

Alors qu'elle s'est classée deuxième du Top 10 des séries les plus vues en France et dans le Top 10 de 23 pays sur la plateforme Netflix une semaine après sa sortie, la mini-série documentaire "De rockstar à tueur : le cas Cantat" décortique l'un des féminicides les plus médiatiques trop longtemps catégorisé comme crime passionnel ou accident dans la tête de la plupart d’entre nous.

"Bertrand Cantat, enquête sur une omerta". Voila le titre de l'article de la journaliste Anne-Sophie Jahn dévoilé dans Le Point, le 30 novembre 2017. Près de huit ans plus tard, cet article est le point de départ d'une mini série documentaire sur Netflix sortie le 27 mars 2025 intitulée "De rockstar à tueur : le cas Cantat".

Produit par Capa Presse, Anne-Sophie Jahn s'entoure de trois co réalisateurs, Zoé de Bussière, Karine Dusfour, Nicolas Lartigue pour porter une introspection de cette affaire avec les lunettes d'aujourd'hui, celles de l'après MeToo.

 

D’accident à crime passionnel mais jamais le mot féminicide

1er août 2003. En plein coeur de l'été, les médias annoncent la mort de l'actrice Marie Trintignant à l'âge de 41 ans. Dans la nuit du 26 au 27 juillet, son compagnon, le chanteur de Noir Désir, Bertrand Cantat lui a asséné plusieurs coups de poing à la suite d'une dispute dans leur chambre d'hôtel de Vilnus, en Lituanie, où l'actrice tourne à ce moment là le téléfilm "Colette". Tout serait parti d'un sms envoyé par l’ex mari de Marie Trintignant, le réalisateur Samuel Benchetrit qu'elle a quitté un an plus tôt après son coup de foudre pour Bertrand Cantat.

Avec le premier épisode "Accident ?" le documentaire diffusé sur Netflix reprend la chronologie du drame avec de nombreux témoignages de personnes présentes sur le tournage. Mais va surtout plus loin que peut être les vagues souvenirs que l’on peut avoir des coupures presses qui ont suivi l’affaire. En revenant sur l’emprise que pouvait avoir Bertrand Cantat sur Marie Trintignant depuis le début de leur relation grâce à l’intervention de plusieurs proches de l’actrice. Un mécanisme qui est souvent pointé du doigt aujourd’hui dans les affaires de féminicides.

Le rôle de la presse à la vue des archives fait aussi froid dans le dos. Les termes accident, crime passionnel seront distillés dans les articles dès le début de l’affaire. Minimisant le drame qui s’est joué à Vilnus. L’autopsie pratiquée en France après le décès de l’actrice ne fera l’objet que d’une simple brève dans de nombreux journaux. Pourtant une information capitale. Bertrand Cantat a asséné pas moins de 19 coups de poing sur le visage de Marie Trintignant. Très loin de l’accident ou encore simple baffes que le chanteur a défendu lors de sa première audition. Accident qui encore aujourd’hui est resté ancré dans les souvenirs de cette affaire pour certaines personnes. 

Sans oublier la campagne de dénigrement dans les médias dès le debut de l’affaire et même quelques années plus tard sur les plateaux télé sur la vie sentimentale de Marie Trintignant. "Une femme qui a eu quatre enfants de quatre pères différents", "une femme hystérique ". Une petite musique du "elle l’a peut être bien cherché" encore trop présente même aujourd’hui sur les affaires de violences conjugales.

 

Un silence qui a tué

L’autre révélation de ce documentaire, c’est le silence de l’entourage de Bertrand Cantat sur le comportement violent de ce dernier. Car il a été démontré par la suite et notamment dans l’article du Point que ce n’était pas la première fois que le chanteur frappé une femme. Plusieurs de ses compagnes ont été victimes de ses coups dont son ex femme Krisztina Rady.

Krisztina Rady, l’autre victime du chanteur. Car c’est son suicide en 2010, à Bordeaux, qui a été l’élément déclencheur de l'article de la journaliste du Point, Anne-Sophie Jahn. Quittée par Bertrand Cantat alors qu’elle venait de donner naissance à leur deuxième enfant, elle a toujours été un soutien de poids pour le chanteur. Une façon pour elle de protéger ses enfants. Jusqu’à conclure un pacte avec les autres membres de Noir Désir pour passer sous silence la violence de Bertrand Cantat devant les juges.

Le documentaire met en lumière là encore la difficulté pour Bertrand Cantat de voir son ex-femme vivre sa vie et fréquenter un autre homme.  Il avait réintégré le domicile conjugal et épiait tous ses mails et sms. Dans un message laissé sur le répondeur de ses parents quelques mois avant sa mort, Krisztina raconte l’enfer que lui fait vivre Bertrand Cantat. Elle sera retrouvée pendue dans sa chambre par son fils alors que le chanteur dormait juste en dessous. Malgré les antécédents judiciaires de ce dernier, l’enquête n’a pas été poussée plus loin et a conclu à un suicide. Les parents de Krisztina malgré le message sur le répondeur n’ont pas voulu aller plus loin pour le bien de leur petits-enfants qu’ils craignaient de voir placés en foyer.

Même s’il y aura toujours ceux qui plaideront pour dissocier l’homme de l’artiste, la série documentaire « De rockstar à tueur : le cas Cantat » aura eu pour effet de faire ressentir d’abord ces années de rage souvent étouffée du clan Trintignant en faveur de Bertrand Cantat face à situation.

Mais aussi de donner une autre perception à cette affaire que celle proposée par les médias et la défense de Bertrand Cantat il y a 21 ans. Et de faire émerger le nom qu’aurait dû porter dès le début ce drame : un féminicide

🖥 "De rockstar à tueur : le cas Cantat" disponible sur Netflix.