Animaux mystérieux : « La cryptozoologie a encore de beaux jours devant elle »
7 mai 2024 à 6h00 par Hugo Harnois
Le monstre du loch Ness - Photo d'illustration
Crédit : Pixabay - Libre de droit
Terme inventé dans les années 50 par un zoologue belge, la cryptozoologie peut être traduit par la science des animaux cachés. Supercherie ou véritable pratique scientifique ? On a demandé à un paléontologue, auteur d’un livre sur le sujet.
Monstre du loch Ness, Big Foot, yéti… Les animaux légendaires sont nombreux dans la culture populaire, et une branche de la zoologie s’intéresse tout particulièrement à ces derniers : la cryptozoologie. Il s’agit de l’étude des animaux dont on n’est pas certains qu’ils existent. Néanmoins, certaines informations, rumeurs, et autres traces diverses peuvent circuler autour de ces espèces. Non reconnue officiellement par la science, la cryptozoologie a donc pour objectif de « mieux cerner ces animaux mystérieux, et, si possible, de prouver leur existence pour qu’ils finissent par être acceptés par la communauté zoologique », explique Éric Buffetaut, paléontologue et directeur de recherche émérite au CNRS.
"Une pseudo science"
Professionnels comme amateurs l’exercent, cependant, « certains scientifiques sont très opposés à la pratique car ils trouvent que c’est une pseudo science », ajoute l’auteur de « À la recherche des animaux mystérieux : idées reçues sur la cryptozoologie ». Quoi qu’il en soit, posséder des bases scientifiques (en zoologie, en particulier) solides est fondamentale.
Pour se lancer dans cette aventure, Éric Buffetaut nous explique qu’il existe plusieurs approches : « les documents sur lesquels s’appuie la cryptozoologie sont très divers ». On peut citer les témoignages de personnes lambdas : « quelqu’un qui a aperçu un animal étrange pas vraiment identifié au hasard d’une promenade » ; des faits plus concrets : photos et films montrant un animal ; des empreintes de pas ; des traces de poils ou bien encore des restes d’os. L’auteur ajoute qu’il y a un « tout un faisceau d’indices qui peuvent servir pour ce genre d’études. »
Le loch Ness : un mauvais exemple de la cryptozoologie
Une pratique que certains qualifient de supercherie, en prenant pour la décrédibiliser l’exemple du monstre du loch Ness : « on en a fait beaucoup de bruit, et c’est embêtant car ça a pris une ampleur énorme. Mais il n’y a rien de concret derrière, on sait qu’il y a des fraudes, des photos truquées, alors qu’il y a eu des explorations extrêmement poussées de ce lac avec des moyens techniques très modernes et qui n’ont absolument rien montré », appuie le paléontologue. Et pourtant, « il y a toujours une frange de personnes qui veulent y croire dur comme fer. C’est le désir absolu de croire qu’il y a quelque chose qui l’emporte sur la raison. »
Cet aspect purement mental reste toutefois à prendre en compte pour le chercheur : « ça peut être très intéressant d’un point de vue psychologique, de voir pourquoi certaines personnes croient voir des êtres inconnus à certains endroits dans certaines circonstances. » À l’inverse, la cryptozoologie peut s’avérer être une branche de la zoologie très sérieuse, puisqu’au début des années 1900, l’okapi a été découvert grâce à cette pratique notamment : « au départ, il y avait eu des rumeurs au sujet d’un animal curieux qui vivait dans la forêt équatoriale, il y avait des témoignages de Pygmées et d’explorateurs. Puis on a découvert des morceaux de peaux, montrant un animal assez grand et étrange. On a d’abord cru à une forme de zèbre parce que la peau était zébrée, et finalement, on a réussi à avoir des cranes, des peaux entières, et on a vu que c’était plutôt une sorte de parent de la girafe que l’on ne connaissait pas du tout. » Plus récemment, à la fin du XXème siècle ont été observées des choses similaires au Vietnam, avec la découverte des saolas, une espèce d’antilope.
Il faut enfin savoir que chaque année, plusieurs milliers d’espèces vivantes jusque-là inconnues sont découvertes, mais très souvent, il s’agit de tous petits animaux comme des insectes ou des escargots. Et à l’avenir, Éric Buffetaut en est persuadé : « la cryptozoologie a encore de beaux jours devant elle car il y a tout un public qui trouve cela passionnant, et cela représente une communauté qui n’est pas négligeable. »