Maternité et sport de haut niveau : l'expérience de la sabreuse Cécilia Berder
30 janvier 2023 à 7h32 par Étienne Escuer
Cécilia Berder lors de la Coupe du monde de sabre à Orléans en 2019.
Crédit : Rédaction / Etienne Escuer
Focus sur la question de la maternité dans le sport de haut niveau avec la sabreuse Cécilia Berder, qui a donné naissance à une petite fille en mai 2022. Elle revient sur cette étape importante de sa vie de femme et d’athlète.
Médaillée aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021, la sabreuse Cécilia Berder est depuis le mois de mai 2022 maman d’une petite Ambre. Comme pour de nombreuses athlètes, son projet de maternité a dû s’adapter aux contraintes imposées par le sport de haut niveau. « Cela se réfléchit dans une carrière sportive, c’est sûr », témoigne celle qui a dû décaler son projet d’un an en raison du report des JO. « Être enceinte et avoir un enfant, cela fait une saison sans compétitions, sans points au classement mondial, et on perd sa place dans l’équipe. » A l’approche de Jeux Olympiques à la maison en 2024, le pari peut donc être risqué pour les athlètes.
« J’avais de l’appréhension au moment d’annoncer ma grossesse, que ce soit à mon club, mes entraineurs ou à la fédération », raconte Cécilia Berder. « Mais à 100%, les réactions ont été positives, les gens étaient contents, j’ai été surprise de ça. » Elle estime que les mentalités ont évolué ces dernières années, notamment grâce à des athlètes qui sont revenues au plus haut niveau après une pause maternité. « Je crois beaucoup en la force de l’exemple », confie la sabreuse. « Si j’ai cru que c’était possible pour moi, c’est parce que j’ai vu une Mélina Robert-Michon, une Charline Picon, une Cléopâtre Darleux le faire. » A son tour, elle espère servir d’exemple : « On échange avec des collègues qui ont 18-20 ans, et même si ce n’est pas leur projet actuel, ça fait un petit bout de chemin dans leur tête. » Cécilia Berder évoque aussi le sujet avec des hommes. « Ces sportifs aujourd’hui, ce sont peut-être de futurs entraineurs. En me voyant enceinte mais à l’entrainement tous les jours, ils se rendent compte que c’est possible. »
Un guide publié par le ministère des Sports
Les sportives sont de mieux en mieux accompagnées dans leur projet de grossesse, selon la championne du monde par équipe 2018. « Le ministère des Sports s’est emparé du sujet avec un livret pour toutes les bonnes pratiques », confie Cécilia Berder. « J’ai été suivie par une gynécologue experte dans ce domaine à l’INSEP, une préparatrice mentale férue de sport et une prof de piscine. » Alors que la sabreuse s’est entrainée tous les jours jusqu’à son accouchement, elle a apprécié « ne pas avoir été vue comme une personne fragile, mais avoir été challengée ». Elle estime que mentalement comme physiquement, pratiquer une activité sportive lui a permis de mieux vivre sa grossesse. En revanche, à partir de trois mois de grossesse, Cécilia Berder a arrêté les compétitions. « Il faut avoir un esprit très animal, donner sa vie, et j’ai senti que je n’avais plus ma place », admet-elle.
« Quand tu reviens, tu prends des caramels ! »
Quelques mois après avoir accouché, la Bretonne a repris doucement l’entrainement. Un moment mentalement « dur », se souvient-elle. « Là où tu pouvais tenir 2 ou 3 minutes sur des exercices de yoga ou de gainage, tu ne tiens plus que 10 secondes, et encore, tu souffres. » Qui plus est, en face, ses coéquipières ou adversaires n’ont pas eu cette pause forcée. « Quand tu reviens, tu prends des caramels ! », confie Cécilia Berder. « Tu retournes dans la cage aux lions et les lions ont envie de te manger. Retrouver ses repères dans cette cage prend du temps. » La sabreuse doit aussi jongler entre « un monde de douceur » avec sa fille, et « l’état d’esprit de tueur » qu’impose le sport de haut niveau.
La vice-championne olympique par équipe de Tokyo 2021 révèle aussi voir les choses totalement différemment. « Le sens des priorités change, on relativise plus vite quand on perd un match », confie-t-elle. « Tout prend une saveur différente. Ma fille, c’est le meilleur partenaire que je peux avoir dans une équipe. » Elle doit cependant adapter son métier à sa vie de maman. Au-delà des adaptations et de l’organisation du quotidien que connaissent chaque parent, Cécilia Berder a aussi dû apprendre à dire non. « J’ai déjà deux refusé deux stages », explique-t-elle. « Je perds des moments importants de cohésion de groupe et d’adversité mais l’entraineur comprend ce choix, que ma famille est ma priorité numéro 1. »
Améliorer l'accompagnement lors du retour à la compétition
Que faudrait-il améliorer dans l’accompagnement des projets de grossesse des sportives de haut niveau ? « Le plus difficile, c’est le retour à la compétition de haut niveau. J’étais à Tokyo aux Jeux Olympiques et là je dois repasser par les étapes que je faisais quand j’avais 15 ou 16 ans. Il faut réussir à retrouver ses repères. », confie Cécilia Berder. « C’est intéressant d’être accompagnée et on ne doit pas laisser de côté la préparation mentale. C’est aussi important que de revenir en forme au niveau physique. »
En compétition, d’ailleurs, le regard des arbitres, entraineurs et athlètes change. « Tu te sens comme un bout de viande, regardée pour déterminer si tu as du gras, si tu es affutée, si tu vas aussi vite qu’avant », se souvient la sabreuse orléanaise. Ces dernières semaines, Cécilia Berder a même amené sa fille lors de compétitions, comme au Grand Prix d’Orléans. « Toutes les adversaires voulaient avoir mon bébé dans les bras, c’est un peu particulier ! », explique-t-elle. « On se cogne sur la tête et deux minutes après elles veulent porter la chose que j’ai de plus précieux au monde. C’est fou comme un petit être arrive à donner de la douceur ! »
Titre :Maternité et sport de haut niveau, le défi de la sabreuse Cécilia Berder
Crédit :Maternité et sport de haut niveau, le défi de la sabreuse Cécilia Berder
Maternité et sport de haut niveau, le défi de la sabreuse Cécilia Berder